« J’ai toujours aimé les grands récits d’aventure, surtout ceux où les explorateurs
découvrent un monde dont nul ne soupçonnait l’existence. »
Don Hall, réalisateur d’Avalonia, l’étrange voyage
Avalonia, l’étrange voyage – la fiche technique
- Réalisateurs : Don Hall et Qui Nguyen
- Scénario : Qui Nguyen
- Photographie : Tracy Scott Beattie & Brian Leach
- Décors : Mehrdad Isvandi
- Montage : Sarah K. Reimers
- Musique : Henry Jackman
- Direction de l’animation : Amy Lawson Smeed & Justin Sklar
- Production : Roy Conli
- Production déléguée : Jennifer Lee
- Durée : 1h42
Avalonia, l’étrange voyage – l’histoire
Avalonia, l’Étrange voyage raconte comment les Clade – une famille d’explorateurs légendaires – découvrent un monde inexploré et peuplé de créatures fantastiques.
Searcher Clade est un inventeur de génie qui, à l’adolescence, a découvert une source d’énergie végétale révolutionnaire. Il a plus tard créé une exploitation agricole prospère pour cultiver, récolter et vendre sa production, en compagnie de son épouse et de son fils. Le père de Searcher, Jaeger, a décidé très jeune d’être un explorateur légendaire. Il a réussi (une statue lui est même dédiée en ville) mais il a disparu lors d’une expédition et personne n’a plus entendu parler de lui depuis des décennies. Le fils de Searcher, Ethan, est quant à lui un ado de 16 ans épanoui, drôle et plutôt travailleur. Il aide à la ferme mais n’est pas sûr de vouloir reprendre l’exploitation familiale. Les trois hommes de la famille sont très différents, ce qui est source de nombreuses disputes, mais ils ont aussi beaucoup plus de points communs qu’ils ne veulent bien l’admettre.
Le périple des Clade
Le périple des Clade commence le jour où la présidente d’Avalonia, Callisto Mal, rend une visite surprise à Searcher et son épouse Meridian pour leur annoncer une mauvaise nouvelle : le pando – la plante révolutionnaire que Searcher a découverte des années auparavant – est en train de perdre de sa vitalité, ce qui fait peser un grave danger pour tous les habitants. Ils doivent remonter jusqu’à sa source, sans même savoir où elle se trouve, pour assurer leur approvisionnement.
Leur voyage les mène dans un monde dont personne ne soupçonnait l’existence, empli d’une myriade de créatures inconnues, étranges, merveilleuses ou carrément dangereuses. Ils seront accompagnés dans cette aventure par un blob espiègle et Legend, leur chien à 3 pattes. Mais la plus grande découverte de ce voyage fantastique concerne surtout la dynamique familiale. Elle seule est susceptible de bouleverser leurs relations et leur avenir !
Avalonia, l’étrange voyage – notes de production
Les décors des films des studios d’animation Walt Disney sont souvent fantastiques et imposants. Ils permettent de s’immerger au sein d’univers imaginaires, de Zootopie à San Fransokyo, d’Arendelle aux jeux vidéo en 8 bits, de Kumandra à Corona. Mais aucun n’est aussi spectaculaire que celui d’Avalonia, l’Étrange voyage, un vaste monde souterrain plein de dangers et peuplé de créatures bizarres.
« Cet univers extraordinaire est en fait une allégorie de notre planète », explique Don Hall, l’un des réalisateurs du film. « L’idée de ce monde m’est venue en pensant à celui que je vais laisser à mes fils. En quoi est-il différent de celui dont j’ai hérité de mon père ? »
Relation pères-fils
Il s’est également attaché à montrer la relation entre les pères et leurs fils, et leurs visions parfois différentes des choses. Il poursuit : « Je m’entends très bien avec mon père, qui est agriculteur. Je l’aidais sur des bricoles quand j’étais enfant. Et puis, à 14 ans, tout a changé. Je devais faire des semis et tout un tas de choses de plus en plus compliquées qui ne m’intéressaient absolument pas. Ce n’était pas mon truc. Tout s’est bien terminé mais je n’ai jamais oublié cette période délicate. Je me suis dit qu’il serait intéressant d’explorer les relations père-fils et la manière dont les attentes des parents – qu’elles soient conscientes ou inconscientes – encombrent parfois les enfants. »
Qui Nguyen, scénariste et coréalisateur du film, se souvient de ses premières conversations avec Don Hall au sujet de l’intrigue : « J’ai été très surpris quand il m’a déclaré que le film parlait avant tout des relations père-fils. J’ai moi-même deux enfants et je me suis dit que c’était exactement ce que je voulais faire. C’est un sujet que j’avais besoin et envie d’aborder. »
Et de poursuivre : « De ce point de vue-là, on s’identifiait parfaitement à Jaeger et Searcher. Les pères sont partagés entre les ambitions qu’ils projettent sur leurs enfants et le simple fait d’être papa. C’est quelque chose que comprennent probablement tous les artistes Disney et tous ceux qui ont de grandes ambitions. Une des choses qui nous motive avant tout, ce sont nos enfants, et on ne veut surtout pas perdre ça de vue. C’est ce que je vis, Don aussi, et c’est ce que vivent nos personnages. »
L’intrigue et les personnages
Le producteur Roy Conli estime quant à lui que ce qui sous-tend l’intrigue du film repose sur la dynamique entre les personnages : « Les relations père-fils sont à la fois très belles et sources de tensions. Je viens du théâtre. Quand j’étais plus jeune, ma pièce préférée était « Mort d’un commis voyageur » qui traite de cette problématique universelle. Mon père et moi avions une relation extraordinaire. Jusqu’à mes 15 ans, je le voyais comme un superhéros… et puis je me suis rendu compte qu’il n’était pas infaillible. On s’est déchirés pendant une bonne dizaine d’années mais on a heureusement réussi à surmonter nos différences. C’était un homme incroyable. Les pères poussent leurs fils à se dépasser et les fils finissent par rejeter leurs pères, avant de se réconcilier avec eux. »
« Je pense souvent que le pando a eu le même impact sur Avalonia que l’avènement de l’électricité dans notre monde », reprend Roy Conli. « Il suffit de voir comment les choses ont évolué en un demi-siècle, entre 1880 et 1930, grâce à l’électricité. Quand les personnages découvrent que le pando risque de disparaître, ça devient un moteur de l’intrigue qui va mener aux retrouvailles de Searcher et de son père Jaeger. »
Avalonia l’étrange voyage
C’est une comédie pleine d’action, dans l’esprit des pulps, ces magazines et romans de gare qui ont longtemps été populaires aux Etats-Unis. « J’ai toujours aimé les grands récits d’aventures, surtout ceux où les explorateurs découvrent un monde dont nul ne soupçonnait l’existence », reprend Don Hall. « Les œuvres de la fin du XIXe et du début du XXe siècles – les Jules Verne, H.G. Wells, Sir Arthur Conan Doyle – ont défini le genre. Au cinéma, KING KONG est une autre bonne référence. Je voulais que ce film rappelle cet âge d’or. »
Le parti pris artistique
Les principaux personnages du film sont issus de trois générations d’une même famille. Ils sont accompagnés de deux personnages féminins forts qui prennent en charge l’expédition. « Il y a un baby-boomer, un millenial et un membre de la génération Z. C’est très amusant parce qu’avec un peu de chance, ça permettra aux spectateurs de mieux comprendre ses parents, ses enfants et ses grands-parents » espère Roy Conli.
Certes, les familles ont parfois des désaccords mais chaque récit digne de ce nom a sa part de conflits. Ici, Searcher va devoir se réconcilier avec son père, mais aussi avec son propre fils, ce qui le prend au dépourvu. Cependant, les producteurs voulaient montrer que leurs rapports sont moins tendus qu’il y paraît. « Les personnages étaient animé par des équipes différentes auxquelles nous avons demandé de se mettre d’accord sur les traits de caractère ou les gestes qu’ils ont en commun » explique Justin Sklar. « Je pense par exemple à ce qu’on appelait leur ‘inspiration nasale disproportionnée’ dans les moments de stress ou de colère, ou un froncement spécifique en cas d’anxiété. Quelques scènes montrent bien ces similitudes comportementales. »
Des personnages aux teints variés
Les personnages ont en revanche des teints très variés. Le directeur de la photo Brian Leach et son équipe, qui étaient responsables de la partie éclairages, devaient s’assurer que chaque couleur de peau était cohérente d’une scène à l’autre. Il déclare : « Nous avons passé beaucoup de temps à finaliser le teint de chacun de nos héros. Le mérite en revient principalement aux concepteurs visuels qui travaillaient en étroite collaboration avec Mason Khoo, le responsable de l’éclairage des personnages. Nous avons pris soin de ne pas trop éclairer ceux qui avaient la peau plus mate et veillé à ce que les différentes spécularités ne se traduisent pas par des tons trop délavés ou édulcorés. »
Jin Kim souligne que les tenues des personnages étaient censées provenir d’une région spécifique, même si aucune région ne les a véritablement inspirées. « Les vêtements avaloniens rappellent ceux des fermiers du monde entier, qu’ils vivent en Europe, en Asie, dans l’Himalaya ou aux États-Unis. Ils sont très ordinaires mais nous leur avons ajouté une ceinture futuriste. »
Au sortir de la production de RAYA ET LE DERNIER DRAGON peuplé de personnages plus réalistes, Don Hall avait envie de quelque chose de différent. « J’adore la BD franco-belge », explique-t-il. « D’un point de vue stylistique, c’était amusant d’incorporer ces influences à l’univers Disney, ce qui n’avait encore jamais été fait. Ça correspondait assez bien à l’idée de film d’aventure à sensation. Nous avons donc combiné ces deux influences. »
Jin Kim, directeur artistique des personnages, explique que l’équipe a analysé différentes BD, de « Gaston » à l’œuvre de Didier Conrad : « Leur graphisme se caractérise par une abondance de courbes. Il n’y a presque pas de lignes droites. Les personnages ont des nez ronds et des yeux ovales. Ces deux éléments ont influencé la conception de nos héros ».
Amy Smeed, l’une des directrices de l’animation, ajoute que ses équipes se sont aussi inspiré des classiques Disney de la fin des années 1940 et du début des années 1950, comme LA BELLE AU BOIS DORMANT et PETER PAN. Il y a également des allusions au moyen métrage « La Légende de la vallée endormie »(dans LE CRAPAUD ET LE MAITRE D’ECOLE)et MELODIE COCKTAIL dont le style est souvent proche de la caricature, avec des silhouettes et des gestes très prononcés. C’est toujours l’un des objectifs en matière d’animation : des silhouettes fortes et des formes plus allongées, en fonction du personnage. Dans Avalonia, l’Étrange voyage,les poses sont un peu plus exagérées que d’habitude. Ainsi allongées, elles permettent au public d’en profiter un peu plus longtemps.
Son confrère Justin Sklar ajoute : « Le mouvement était traité d’une manière particulière dans les années 1940 : les différents éléments n’étaient pas vraiment connectés les uns aux autres. A l’époque, on se souciait moins de l’exactitude anatomique et davantage de la fluidité du mouvement à l’écran. »
Une famille de haut vol
SEARCHER CLADE
SEARCHER CLADE est un membre estimé d’Avalonia, car il a découvert une source d’énergie végétale révolutionnaire, le pando. Il s’occupe du bon fonctionnement de l’usine qui fournit de l’énergie à toute la communauté. Mais c’est surtout un homme très attaché à sa famille : il aime surprendre son épouse Meridian en la faisant soudain virevolter dans la cuisine et il ferait tout pour son fils Ethan. Il a travaillé dur pour assurer une existence paisible aux siens. En revanche, quand il n’est plus dans son élément, il perd confiance en lui. « J’ai de grands ados et un père qui devient vieux », explique Don Hall. « Je comprends donc parfaitement ce que ressent Searcher parce que j’en suis au même stade que lui. »
Searcher a réussi à sortir de l’ombre de son père, un grand aventurier, et trouvé sa propre voie (tous deux ont d’ailleurs leur statue à Avalonia). « Searcher est pris entre la légende envahissante du plus grand explorateur de tous les temps et de ce qu’il a lui-même créé. Il s’est construit en opposition à son père qu’il considère comme un irresponsable », ajoute le réalisateur. « Il a tout fait pour être son contraire en faisant passer sa famille avant tout. »
« Je pense que Jake Gyllenhaal (la voix originale de Searcher) a parfaitement saisi les enjeux de cette histoire », déclare Don Hall. « Il y met beaucoup d’émotion. Il a très rapidement cerné le personnage et s’est facilement adapté aux circonstances. Si par exemple on lui disait qu’un monstre géant à tentacules le poursuivait, il faisait travailler son imagination et il nous proposait des choses très drôles. Il a apporté beaucoup d’humour au personnage et les animateurs se sont inspirés de son interprétation. »
Jake Gyllenhaal confie : « Dans une famille, tout commence par la place qu’on prend au sein du groupe, les responsabilités qui sont les nôtres et l’empathie dont on fait preuve. Par conséquent, le microcosme familial affecte le macrocosme du monde extérieur. La façon dont on prend soin de ce qui nous entoure a son importance. On ne peut pas en faire abstraction. Il est indispensable de savoir écouter. Pour moi, le film parle notamment des questions environnementales, de ce que nous faisons à la nature et, par conséquent, de ce que nous nous faisons à nous-mêmes. Parce qu’au fond, je pense que la planète survivra d’une manière ou d’une autre. Nous, en revanche, c’est moins sûr. »
Et de poursuivre : « Je pense qu’en grandissant, on essaie pendant des années de se définir par opposition à sa famille, même quand on l’adore. Nos parents se projettent sur nous et nous poussent dans une direction, parfois même de manière inconsciente. L’inconscient est toujours présent, de manière sous-jacente, et c’est ce qui m’a plu dans cette histoire. Parce qu’Avalonia, indépendamment de toute sa complexité et sa singularité, raconte avant tout pourquoi il est essentiel de sortir de sa zone de confort – même quand ça nous fait peur – si l’on veut vraiment comprendre les gens qu’on aime le plus. »
Jin Kim explique : « Searcher était initialement assez mince. Cependant, comme Jaeger est une force de la nature, on a choisi d’accentuer la ressemblance entre le père et son fils. Ils ont également le même gros nez rond ». En revanche, Searcher est très indépendant et les animateurs se sont efforcés de montrer cela. « On a voulu souligner cette distinction », précise Amy Smeed. « C’est un agriculteur très méticuleux. Je ne dirais pas qu’il est perfectionniste mais il veut que les choses fonctionnent correctement. Il fait très attention à l’endroit où il met les pieds quand il est dans ses champs. »
JAEGER CLADE
JAEGER CLADE, le père de Searcher, rêvait depuis longtemps de s’aventurer au-delà des montagnes qui entourent Avalonia. Cette idée a fini par devenir une véritable obsession, même quand une énorme erreur l’a exilé dans un monde étrange, loin de sa famille. La seule chose qui lui importe à présent est de transmettre quelque chose à ceux qu’il aime. « Jaeger est un héros de roman de gare par excellence, un de ces types en chemise déchirée qui, sur la couverture, se battent contre un alligator », explique Qui Nguyen. « C’est un personnage absolument fantastique. Mais je n’aimerais pas du tout avoir un père comme ça ! »
Et de poursuivre : « On voulait vraiment forcer le trait jusqu’à la caricature. Pour lui donner vie, il nous fallait une légende. Dennis Quaid a eu une carrière extraordinaire et a aussi monté un groupe dont il est le chanteur. Ce genre de personnalité, capable de fasciner les foules, c’est Jaeger. Quand on faisait une séance d’enregistrement avec Dennis, on en avait pour notre argent ! »
Dennis Quaid confie : « Il était évident pour moi que c’était un type plus grand que nature. Il a des longs cheveux, de gros mollets, de gros biceps, deux flingues et des tablettes de chocolat. En fait, j’ai simplement grossi certains traits de ma personnalité, et c’était très marrant. Il m’a fallu quelques séances pour trouver le ton juste parce que je suis quelqu’un de relativement plus discret ! Mes enfants vous diraient peut-être le contraire, remarquez. En tout cas, je me suis bien amusé. »
Qui dit personnage caricatural dit accessoires caricaturaux. Michael Kaschalk, le directeur de l’animation des effets visuels, déclare : « Quand Jaeger fait face à un obstacle dans le monde étrange, il sort son lance-flammes. Sauf qu’il s’agit d’un modèle dont les caractéristiques techniques ont été exagérées. Son rayon d’action est important, même quand Jaeger ne l’utilise que pour désherber. On s’est aussi inspirés des romans « pulp » pour le dessin des flammes. On est partis de quelque chose d’hyperréaliste auquel on a donné un côté BD dans un second temps, sans que ça détourne non plus l’attention des spectateurs. »
C’est typiquement le genre d’objet que ne supporte pas Searcher quand il retrouve son père dans le monde étrange, permettant ainsi aux producteurs d’accentuer le conflit des générations. « En gros, on a trois générations d’une même famille qui ne s’entendent pas, ce dont nous avons tous fait l’expérience », explique Qui Nguyen. « Mais on voulait aussi montrer ce qui les unit. Après tout, est-ce qu’on n’est pas tous destinés à être d’abord comme Ethan, puis comme Searcher et, un jour, comme Jaeger ? »
Ce conflit de génération était souligné à chaque étape du tournage. Le responsable des décors Scott Beattie et son équipe ont ainsi utilisé la mise en scène, les focales et les angles de caméras pour souligner cette tension ou les réconciliations : « Il nous arrivait de ne pas mettre les deux personnages dans le même plan pour accentuer leur distance, ou de les placer loin l’un de l’autre dans un plan plus large. À l’inverse, on utilisait des focales longues qui donnaient une impression de rapprochement, et cela même quand ils ne bougeaient pas. Les spectateurs ne le remarqueront pas forcément, mais le sentiront de façon subliminale. »
Pour Dennis Quaid, le film met en avant l’acceptation des autres pour ce qu’ils sont : « Je pense que le film parle vraiment de l’importance d’être fidèle à soi-même et d’assumer ce choix. C’est ce qui unit ces trois générations qui sont toutes authentiques à leur manière et qui s’acceptant telles qu’elles sont. »
ETHAN CLADE
ETHAN CLADE, 16 ans, est l’ado dans toute sa splendeur : il lève les yeux au ciel quand ses parents s’embrassent, s’illumine quand ses amis sont là et perd tous ses moyens quand le garçon qu’il aime, Diazo, est dans les parages. Il rêve de vivre des aventures extraordinaires, comme le grand-père qu’il n’a jamais connu. Quand son père part pour une mission cruciale à bord du dirigeable Venture, Ethan embarque clandestinement. Pour Roy Conli, tous deux ont de bons rapports mais des idées très différentes sur l’avenir : « Ethan est proche de son père. Il sait que Searcher l’aime mais la vie à la ferme ne lui suffit pas. »
Jaboukie Young-White (la voix originale d’Ethan) vient du stand-up. « On aime que les acteurs improvisent et Jaboukie sait faire ça les yeux fermés », explique Don Hall. « Il a une joie toute juvénile qui rend le personnage très chaleureux, ce qui n’est pas évident quand on interprète un adolescent ! »
L’acteur a été séduit autant par le personnage que par le thème d’Avalonia, l’Étrange voyage : « Pour moi, l’envie de tracer sa propre voie, de s’accepter tel qu’on est et les autres tels qu’ils sont, ça reste intemporel. Je trouve ça d’autant plus pertinent que l’on vit dans une période où les gens ont de plus en plus de facilités à être eux-mêmes. Il y a, malgré tout, de plus en plus de tolérance. Je pense donc que cette thématique sera toujours d’actualité. »
Les animateurs se sont inspirés de l’acteur et d’autres personnes dans leur travail de création. « Ethan est un adolescent. J’ai une fille de son âge à la maison, que j’ai l’habitude d’observer avec ses amies. Ce que je constate, c’est qu’elle est très différente d’elles, de la même manière qu’Ethan est un garçon pas comme les autres » déclare Amy Smeed. « Les animateurs sont de bons observateurs du quotidien, que ce soit au parc, au supermarché ou au restaurant. »
MERIDIAN CLADE
MERIDIAN CLADE pilote avec talent l’avion d’épandage qui permet aux cultures du pando de prospérer. C’est le genre de personne qui voit toujours le bon côté des choses et elle aime profondément les siens. « Meridian adore voler et, comme son mari, sa vie tourne autour de la ferme, qui est leur gagne-pain », explique la scénariste en chef Lissa Treiman. Posée, observatrice et très cool, Meridian rejoint in extremis l’expédition de son mari quand elle s’aperçoit que son fils s’est embarqué clandestinement à bord. Elle apportera une aide précieuse à cette mission. « Elle est essentielle à l’intrigue », remarque le scénariste David G. Derrick Jr. « Elle va non seulement piloter le Venture mais aussi aider ces trois générations d’hommes à se réconcilier. »
Ces circonstances exceptionnelles témoignent de l’assurance et des compétences du personnage, des qualités que Jamie Sparer Roberts a décelées chez Gabrielle Union, la voix de Meridian dans la version originale : « Gabrielle a de la force, du courage, de l’humour, de l’intelligence et de l’expérience à revendre. Sa voix douce est empreinte d’une grande assurance. Elle peut dire en dix mots ce que la plupart des gens mettent dix phrases à exprimer. »
Gabrielle Union aime ce personnage optimiste : « Ce qui me plaisait le plus chez cette femme, c’est qu’elle est heureuse et fière de constater que chacun des membres de sa petite famille a son univers. Elle pousse son fils à tracer sa propre voie. J’aime ça. »
Justin Sklar trouve que Meridian – une pilote, une épouse et une mère – est une femme admirable : « C’est probablement la personne la plus équilibrée du groupe. Elle n’a peur de rien et surtout pas d’entrer par le hublot du Venture pour en reprendre le contrôle. Elle se connaît, elle connaît les autres et elle a envie de les voir s’épanouir. Ça se sent notamment dans ses interactions avec Ethan qui se pose non seulement plein de questions sur son avenir mais aussi sur le jeune homme qu’il est. Elle lui suggère tout simplement qu’il gagnerait à analyser ce qu’il ressent. Elle l’écoute et le guide, mais elle n’est pas là pour faire les choses à sa place. »
Les réalisateurs du film, tout comme les acteurs, avaient conscience du lien entre l’intrigue, son décor et le monde réel. Pour Gabrielle Union : « La beauté de cet univers souterrain rappelle celle du monde qui nous entoure et le plaisir de découvrir d’autres cultures, d’autres manières de prendre soin les uns des autres, de préserver l’environnement, de respecter les capacités de chacun et d’imaginer différentes manières de travailler en équipe. Tous les personnages sortent vraiment de leur zone de confort. Ils doivent apprendre à travailler ensemble, non seulement pour survivre mais aussi pour sauver leur communauté. »
CALLISTO MAL
CALLISTO MAL, la présidente d’Avalonia, fréquente les Clade depuis longtemps. Elle a autrefois fait partie de l’expédition de Jaeger mais a finalement choisi une autre voie. Bien décidée à comprendre ce qui assèche le pando, elle organise une mission vers un monde inconnu. « C’est une femme qui sait commander », reprend Lissa Treiman. « Elle a suffisamment d’assurance pour prendre des décisions sans pour autant foncer tête baissée. De plus, elle très empathique. » Les réalisateurs voulaient que le personnage soit aussi courageux et fort que Jaeger, mais moins égocentré. « Leurs personnalités sont diamétralement opposées », déclare Qui Nguyen. « Elle se fiche de ce qu’elle va léguer à la postérité. Ce qui compte avant tout pour elle, ce sont les habitants d’Avalonia. »
Lucy Liu, la voix originale du personnage, confie : « Callisto est très courageuse mais c’est aussi quelqu’un de très réfléchi. Ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle pense toujours aux autres. Si elle n’était pas devenue présidente, elle aurait peut-être été, elle aussi, une aventurière. Elle n’a pas la langue dans sa poche et sait se montrer très chaleureuse. Sa mission est de sauver son peuple. C’est pour cela qu’elle se lance dans cette aventure. »
Ce côté aventurier a également inspiré les animateurs. « C’est une ancienne exploratrice. Elle faisait partie de l’expédition initiale avec Jaeger et Searcher. C’est une femme de pouvoir qui n’a peur de rien. Elle est douée et aime la nature » rappelle Justin Sklar. « Elle a fini par faire de la politique et être élue présidente des habitants d’Avalonia. En termes d’animation, on voulait combiner ces deux facettes, l’intelligence et la diplomatie, avec ce petit côté baroudeur. Elle est probablement plus à l’aise sur le Venture qu’en réunion. »
Lucy Liu a également aimé le message d’Avalonia, l’Étrange voyage : « Je pense que le film parle avant tout de l’importance de prendre soin de la planète et de se responsabiliser. Au fond, mon personnage part à l’aventure parce qu’elle veut sauver leur monde. Je pense, comme elle, qu’il est essentiel de veiller les uns sur les autres. »
SPLAT
SPLAT est une créature bleue, informe et molle. Originaire du monde inexploré, elle se lie d’amitié avec Ethan et sert de guide à la famille Clade dans cette mystérieuse contrée souterraine. Pour cette créature sans visage qui ne manque pas de personnalité, les réalisateurs ont dû trouver le moyen de lui permettre d’exprimer des émotions. « Tout est une question de timing et de posture, un peu avec comme une marionnette », explique Amy Smeed, responsable de l’animation.
Pour animer le personnage, il a fallu le modéliser en trois dimensions. Keith Wilson, responsable de l’animation technique, raconte : « Splat a sept tentacules qui lui servent de jambes voire de mains. C’était stimulant pour les artistes de décomposer les différents membres du personnage. Ils devaient trouver le moyen de créer un système d’animation intuitif où chaque membre serait hyper extensible et capable d’accomplir plein de choses. »
Et de poursuivre : « La réaction de Splat à la lumière a aussi engendré de nombreux défis artistiques. Il répondait bien à l’aberration chromatique ou la distorsion des couleurs que l’on observe quand on regarde par exemple une photo prise au microscope. Les silhouettes ont alors ce contour arc-en-ciel. On aimait aussi l’idée que Splat puisse avoir un volume et une certaine densité : il n’est pas complètement transparent. Il brille de l’intérieur, à l’instar de l’aberration chromatique qui entoure sa silhouette. »
Pour les plans de Splat et des créatures du même type, les réalisateurs ont choisi d’aller plus loin afin que les personnages soient parfaitement visibles. « Au début, on faisait beaucoup de plans larges pour que les animateurs aient la place d’animer les créatures » indique Scott Beattie. « Mais quand on est passé à la finalisation des décors, on ne savait toujours pas si Splat allait se déplacer et quelles seraient ses émotions puisqu’il n’a pas de visage. Les animateurs ont fait des merveilles. »
LEGEND
LEGEND est le chien à trois pattes de la famille. Perpétuellement joyeux, il adore se frotter aux situations dangereuses, sans vraiment réfléchir. Quand Ethan décide de prendre part à la mission sans prévenir personne, son fidèle compagnon l’accompagne naturellement, toujours désireux de plaire à son humain de compagnie. Cependant, sa présence et son habitude instinctive de saluer joyeusement chaque étranger risque de causer plus de mal que de bien.
Don Hall attribue l’idée du personnage à Burny Mattinson, un dessinateur de story-boards qui travaille chez Disney Animation depuis 1953. « Il n’arrêtait pas de me dire qu’il manquait un chien dans ce film », explique-t-il. « On associe ces animaux à la famille et Avalonia, l’Étrange voyageest avant tout un grand film familial. J’ai décidé de l’appeler Legend, parce que c’est le surnom qu’on donne ici à Burny. » Burny Mattinson a obtenu le titre officiel de légende Disney en 2008.
LES AUTRES CREATURES
Le monde mystérieux dans lequel les Clades s’aventurent pour trouver ce qui menace la production du pando n’est pas sans danger. L’accueil que leur réservent des créatures sans bras et sans visage n’est pas des plus chaleureux. Qui Nguyen explique qu’il fallait absolument s’assurer que cet univers n’avait pas déjà été vu cent fois : « La question était de savoir comment faire pour rendre ces personnages vraiment extraordinaires et ne pas finir avec des créatures qu’on pourrait voir dans n’importe quel film. Qu’est-ce qui fait d’elles des personnages Disney ? »
Il poursuit : « Il fallait donc proposer quelque chose de différent. On a pris la décision qu’elles n’auraient pas de globes oculaires, pas de nez et pas de bouche. Oubliés donc les grands yeux et les sourires Disney ! On est revenus aux balais de FANTASIA et au tapis magique d’ALADDIN. Comment humanise-t-on une créature sans visage ? »
« On voulait faire la distinction entre l’animation des humains et celle des créatures » ajoute Justin Sklar. « Alors que les premiers passent en gros de pose en pose, les secondes sont en perpétuel mouvement, très fluides, dénuées d’angles et de squelette. »
Avalonia, l’étrange voyage – un monde étrange et décalé
Au regard de son titre, Avalonia, l’Étrange voyage se devait d’être extraordinaire. C’est pourquoi les artistes des studios d’animation Walt Disney avaient bien l’intention de créer un univers aussi surprenant qu’impressionnant. Ils ont commencé avec les pulps, des magazines ou romans de gare emplis d’action, de rebondissements et de sensations fortes, dont l’âge d’or a duré soixante ans, de 1896 à la fin des années 1950.
Larry Wu, le directeur artistique de la partie décors, précise que l’équipe s’est concentrée sur les magazines des années 1930 et 1940 : « On en a consulté plusieurs, notamment les « Doc Savage ». Sur les couvertures réalisées par de grands illustrateurs de l’époque, il y avait toujours une source lumineuse principale et un halo, qui semblaient présager quelque chose de terrible. »
Justin Cram, le chef décorateur adjoint, poursuit : « Toute l’équipe s’est amusée à concevoir les différents sites du monde étrange, en s’inspirant des couvertures de ces publications qui imaginaient un avenir très différent de ce que l’on connaît, avec des vaisseaux spatiaux, des extraterrestres, voire des créatures préhistoriques. C’était un excellent point de départ. »
Tout comme dans les romans « pulp » extrêmement populaires il y a un siècle, rien n’est impossible dans Avalonia, l’Étrange voyage. Quand l’histoire se déroule-t-elle ? Lissa Treiman, l’une des scénaristes en chef, confie : « Ce monde imaginaire ne ressemble à aucune période précise. On lui a juste donné un « plafond technologique ». Les radios existent mais pas les téléphones portables ou les ordinateurs ; on a des dirigeables mais pas de satellites. Avalonia est entouré de montagnes au-delà desquelles personne ne s’est jamais aventuré. »
La ville d’Avalonia, la ferme de la famille Clade et le monde étrange ont chacun un style visuel et une palette chromatique distincts. Sans oublier une bibliothèque numérique spécifique, dans laquelle l’équipe artistique puisait des éléments pour créer des décors d’une grande richesse. « Ça nous a permis de décomposer chaque monde et d’identifier toutes les petites choses dont on aurait besoin pour les besoins de l’intrigue », explique Sean Jenkins, le responsable du service.
Habituellement, ces bibliothèques sont constituées de plantes et d’arbres du monde réel. Mais parce que l’univers d’Avalonia, l’Étrange voyage est unique, il fallait inventer chaque lampadaire, chaque clôture, chaque élément de la faune ou de la flore.
LA CITE D’AVALONIA
LA CITE D’AVALONIA a été créée en privilégiant les tons chauds comme le blanc, l’orange et le rouge. « Nous voulions susciter un sentiment d’utopie, de tendresse et de nostalgie. Nous voulions souligner le fait que le pando est une culture merveilleuse et unanimement appréciée », explique Justin Cram. Il existe deux versions d’Avalonia : avant et après l’arrivée du pando. « On montre comment la ville est passée de construction à un étage à des immeubles de 100 étages », ajoute le décorateur Merhrdad Isvandi.
Les spectateurs attentifs remarqueront que le pando est complètement intégré à la ville, dont il alimente les équipements, depuis les lampadaires jusqu’aux véhicules. Larry Wu estime qu’Avalonia donne un bon aperçu de ce qui va suivre. « On voulait évoquer un endroit nostalgique où on peut se réfugier quand on veut se sentir bien et passer un bon moment, un lieu tout doux et chaud. »
Pour les réalisateurs, il était essentiel de faire la distinction entre Avalonia et le monde étrange. Pour cela, Scott Beattie a notamment travaillé sur les angles de prises de vue et les focales : « Pour les scènes qui se déroulent dans la ville et à la ferme, les séquences sont généralement plus statiques et plus linéaires ».
LA FERME DES CLADE
LA FERME DES CLADE est l’endroit où prédominent les tons froids, comme les verts et les bleus luxuriants, prédominent. « J’ai regardé de vieux tirages Kodachrome des années 1930 & 1940 et je me suis efforcé de faire naître une émotion qui reflète les liens très forts qui unissent Searcher, Ethan et Meridian », explique Justin Cram. « Nous voulions que ces décors aient un côté intemporel et qu’ils évoquent vraiment l’idée du foyer familial. »
Don Hall, qui a grandi dans une ferme de l’Iowa, connaissait parfaitement cet univers : « Chaque fois que j’y retourne, je suis frappé de voir à quel point l’horizon s’étend à perte de vue. Le coin de l’Iowa où je suis né, dans le sud-ouest de l’État, est assez vallonné. Tout semble vaste et très vert. Il y a beaucoup de champs de maïs et de soja, et une sorte de géométrie dans le paysage. Je me suis dit que ce serait intéressant de transposer ça dans le film. »
Comme la ferme est la grande passion de Searcher, l’équipe artistique a cherché à souligner sa vision enchanteresse du travail agricole. Justin Cram déclare : « La lumière du soleil permettait vraiment de mettre en valeur les silhouettes. On a aussi beaucoup joué sur les différentes heures de la journée. Ce lien avec la nature était vraiment important, surtout pour Searcher, parce qu’Avalonia représente tout son univers. »
Les extérieurs, inspirés en partie par le travail de Hayao Miyazaki, sont empreints de nostalgie. « La ferme elle-même est charmante, rustique et pittoresque » reprend Larry Wu. « Elle est confortable et montre tout l’amour de cette famille. Avalonia et la ferme ont des niveaux normaux de couleurs et de saturation. Dans le monde étrange, en revanche, on a poussé la saturation et utilisé une palette chromatique différente. »
LE VENTURE
LE VENTURE est le dirigeable qui emporte Callisto Mal et la famille Clade vers le monde étrange. Long d’une soixantaine de mètres, il ne passe pas inaperçu dans la ferme de Searcher. À l’inverse, dans le monde étrange, il paraît minuscule !
L’éclairage du Venture est à la fois interne et externe. Brian Leach précise : « On a passé beaucoup de temps à définir l’emplacement des sources lumineuses pour que les animateurs puissent les intégrer dans leur travail. Quand on découvre le monde étrange, seules les lumières extérieures permettent de l’entrevoir dans les ténèbres. Pour faire comme dans les films, on ajoutait un petit effet de diffraction, avec des halos lumineux. Ça nous a aussi permis de varier les focales, de manière à différencier le monde supérieur, caractérisé par des optiques sphériques, et le monde souterrain, avec des optiques anamorphiques. »
À la fin du voyage, l’équipage au grand complet a enfin l’occasion d’observer l’objectif de la mission. « Ils aperçoivent les racines du pando, dont le beau vert luminescent montre l’énergie qui remonte à la surface » explique Michael Kaschalk. « Ils sont à la fois admiratifs, parce qu’ils n’ont jamais vu cela, et apaisés parce que le rythme auquel le pando s’écoule suscite un sentiment de sérénité. »
LE MONDE ÉTRANGE
LE MONDE ÉTRANGE est un univers caché qui n’a rien de familier. Une vraie volonté de la part des équipes d’animation Disney. Mehrdad Isvandi déclare : « Quand on voit une jungle luxuriante, on se sent apaisé parce que notre cerveau sait que le vert est synonyme de calme. À l’inverse, dans le monde étrange, ce qu’on prend pour un arbre n’en est pas forcément un. La jungle est de toutes les couleurs, à l’exception du vert. Par conséquent, notre cerveau ne sait pas ce qu’il doit ressentir. On avait envie de créer un monde éthéré dans lequel les spectateurs pourraient se repérer sans pour autant que sa beauté ne vienne altérer le bon déroulement de l’intrigue. »
Pour le monde dont personne ne soupçonnait l’existence, les tons froids de la ferme sont utilisés avec parcimonie. « Quand on arrive dans cet univers étrange, il n’y a aucune végétation exceptée le pando », reprend Merhrdad Isvandi. « Le vert était uniquement destiné au pando. Nous avons aussi choisi une autre couleur que le bleu pour le ciel, ce qui nous a obligés à trouver d’autres tons pour embellir le paysage. Nous avons pris beaucoup de plaisir à relever ce défi tout au long du tournage. »
Steve Goldberg, le responsable des effets visuels, précise que cet univers est composé de différentes zones allant de prairies à des grottes sombres. Le côté fantastique était synonyme de liberté artistique. Il confie : « L’équipe artistique a pu tenter différentes choses et proposer des idées. Quand on travaillait sur les éléments du décor, les plantes, l’apparence du sol, elle venait nous faire des propositions graphiques. Chacun pouvait ainsi y trouver son compte, et je pense que le monde étrange a gagné au change. »
Au fur et à mesure que les différents éléments commençaient à prendre forme, les réalisateurs se sont dit qu’il fallait envisager les choses différemment. Ce qui ressemblait à des plantes pouvait soudain s’envoler, ce qui se déplaçait comme un animal primitif pouvait s’enraciner. Certains éléments devenaient même des personnages à part entière. Steve Goldberg déclare : « La taille de la faune et de la flore impliquait d’aller encore plus loin. Ce qui aurait normalement été confié au service des effets visuels était ici intégré à tous les stades de la conception des créatures. »
Les paysages et les créatures du monde étrange sont si bizarres et saisissants que les producteurs ont dû veiller à ce qu’ils ne prennent pas le pas sur les personnages. « Quand on s’apercevait que, sur un plan donné, on s’extasiait sur la beauté de cet univers au point qu’il nous détournait de ce que vivaient nos héros, on faisait marche arrière » reconnaît Justin Cram. « Le plus important reste les relations entre les personnages. Mais il y a des moments où ils sont époustouflés par la beauté des lieux et c’est là qu’on peut vraiment montrer cet environnement dans toute sa splendeur. »
La jungle venteuse rose vif où l’équipage s’écrase à bord du Venture, la mer brûlante, la forêt bleue où les arbres s’illuminent au passage des personnages, le désert d’ambre… sont quelques-uns des sites du monde étrange. Outre les plantes aux reflux gastriques et celles qui dansent, on y trouve des espèces bioluminescentes et d’autres que les réalisateurs qualifiaient de « flore aux grands yeux ». Et cela, sans compter les espèces herbeuses !
Scott Beattie ajoute que son équipe avait plus d’un tour dans son sac pour accentuer l’étrangeté des lieux : « Les décors étaient conçus de telle manière qu’on utilisait des focales plus larges, en variant manuellement la distorsion. Quand on voulait rendre telle ou telle chose encore plus étrange, voire gênante, on forçait sur la distorsion ou on modifiait la composition du plan. Bien entendu, l’intrigue motivait chaque décision. »
Une odyssée en musique
Pour la musique, les réalisateurs cherchaient un compositeur capable de proposer une nouvelle palette sonore évoquant à la fois les liens très forts entre les personnages et le caractère extraordinaire du monde étrange. C’est ainsi qu’ils ont fait appel à Henry Jackman. « De notre point de vue, Henry faisait partie de l’équipe des scénaristes » explique Roy Conli. « Il sait parfaitement accompagner la structure émotionnelle de chaque scène. Sa musique met en valeur chaque élément. Ce qu’il a créé pour Avalonia, l’Étrange voyage est aussi beau, radical et homérique que le film lui-même. »
Henry Jackman se sentait prêt à assumer cette mission titanesque : « Je suis toujours ouvert aux propositions inhabituelles, comme cette partition pour orchestre symphonique. Rien qu’en lisant le scénario, j’ai été emporté par cette grande aventure dans un monde visuellement spectaculaire et empreint de poésie. »
Une partition tout en nuance
Cette partition intègre cependant d’autres nuances quand les spectateurs découvrent la famille Clade. Le compositeur confie : « Au tout début du film, l’ambiance musicale s’accorde peu avec un orchestre symphonique. J’ai donc pensé à des dulcimers et des guitares, avec un peu d’électronique, suffisamment pour évoquer ce monde à la croisée de l’agriculture et de la technologie. »
Et de poursuivre : « Une fois qu’ils sont à bord du dirigeable et qu’ils pénètrent dans le monde étrange, on passe à l’orchestre symphonique. Au lieu d’avoir recours à des éléments non orchestraux pour décrire cet univers, le mystère tient davantage du langage mélodique. Il traduit le côté étrange des lieux. Quant à la suite musicale, j’ai fait un essai avec des harmonies un peu exotiques pour renforcer la notion d’étrange voyage. Cela procure un côté un peu inquiétant. On a l’impression de s’enfoncer dans un nouveau monde. »
Des choristes pour la bande originale
Pour ajouter au mystère, Henry Jackman a fait appel à des choristes dont il a retravaillé la contribution. « Je voulais très légèrement en étoffer le son. Le mélange de vraie chorale et de tonalités électroniques n’est donc pas complètement artificiel. Ça se rapproche un peu du concept de réalité augmentée ! Il y a quelques passages où un synthé double la fin des cordes, mais cela sans jamais les dominer. »
Le compositeur est convaincu qu’une partition sert avant tout à unifier les différents éléments du récit et à clarifier les choses : « Plutôt que d’écrire un thème spécifique à l’un des personnages, il me semble plus utile d’en avoir un sur l’audace et l’aventure et un autre sur l’idéalisme et le respect de l’environnement. Ce sont deux façons de voir le monde qu’on peut utiliser de différentes manières au fur et à mesure que l’intrigue progresse. »
Le seul thème écrit pour l’un des personnages s’intègre parfaitement dans celui du monde qu’il habite. Henry Jackman confie : « Le thème musical de Splat ne ressemble pas du tout à celui du monde étrange mais ils partagent le même ADN. J’ai pris les cinq premières notes de ma suite dont j’ai modifié la grammaire, la syntaxe et l’orchestration. Je suis persuadé qu’à un niveau subliminal, les spectateurs comprendront que les deux sont liés et que c’est ce qui assure la cohérence de l’ensemble. »