(Interview Halloween) Des accessoires au service de la magie

L’atelier décoration de Disneyland Paris est un service méconnu et pourtant essentiel. On y fabrique et répare l’ensemble des objets et accessoires utilisés lors des parades et spectacles de la destination, notamment lors du Festival Halloween Disney. Nous avons rencontré Richard Vallet, accessoiriste-réalisateur au sein de l’atelier, qui nous en dit plus sur son métier.

Comment es-tu devenu Accessoiriste-Réalisateur à Disneyland Paris ?

J’ai commencé à 17 ans comme machiniste au Théâtre Clavel à Paris, puis je suis devenu assistant-régisseur sur plusieurs autres scènes parisiennes. Je faisais un peu de tout : changements de décor, lumières, son, etc. Je suis arrivé à Disneyland Paris en février 1992 en tant que machiniste, et très vite, je me suis mis à réparer les accessoires entre deux spectacles. Notre direction a compris l’importance d’un tel service, et c’est ainsi qu’est né l’Atelier Décoration de Disneyland Paris, en 1994.

En quoi consiste ton métier ?

Mon travail consiste à réaliser des objets de décoration et des accessoires qui sortent de l’imaginaire d’un Metteur en Scène ou inspirés d’un film, à destination des spectacles et des saisons de Disneyland Paris. Bien souvent, il s’agit d’accessoires un peu particuliers, un peu « toons », un peu magiques. Le défi, c’est que l’objet soit crédible, tout en restant facile d’utilisation, léger et durable. Mais il n’y a pas que la création ; il y a aussi le suivi de ces objets, leur entretien et leur réparation, qui nous occupent tout au long de l’année, de jour comme de nuit.

Comment se compose l’équipe de l’Atelier Décoration ?

Nous sommes près d’une vingtaine, auxquels s’ajoutent jusqu’à 10 intermittents qui nous rejoignent durant les périodes plus intenses comme Halloween. Au sein de l’équipe, nous avons des compétences très variées. Accessoiriste-réalisateur, c’est un intitulé générique, et nous avons des collègues spécialisés en couture, en tapisserie ou encore dans la fabrication et l’entretien de marionnettes. Beaucoup d’entre nous ont migré d’une spécialité à l’autre, et c’est ainsi que j’ai pu élargir ma palette de compétences. Moulage, sculpture, peinture, vernissage, modelage, c’est très vaste. C’est une chance de travailler à Disneyland Paris car c’est un lieu idéal pour apprendre de nouvelles techniques.

Quels objets avez-vous réalisés pour le Festival Halloween Disney ?

Il y en a beaucoup, mais je dirai notamment les accessoires des fantômes de Main Street, U.S.A. et les Pumpkin Men de Frontierland. Sans oublier les « Funkins », ces petites têtes de citrouilles toutes différentes, agrémentées d’accessoires divers comme des chapeaux, des monocles ou encore des plumes. Ce sont des éléments que nous avons fabriqués lors de saisons antérieures et que nous ressortons régulièrement pour le plus grand plaisir de nos visiteurs.

Combien d’objets cela représente-t-il ?

Énormément ! Il faut compter environ une centaine de Funkins, plus les Pumpkins, et les guirlandes, qui représentent des centaines de mètres linéaires. En tout, cela doit représenter plus de 300 éléments différents.

Comment se passe la fabrication d’un objet de décoration ?

Tout part des Scénographes du bureau d’étude de Disneyland Paris, qui traduisent sous forme graphique la vision des Metteurs en Scène. Leurs dessins sont absolument magnifiques et nous donnent les informations nécessaires pour réaliser les objets. Quand la fabrication est lancée, ils viennent fréquemment nous voir à l’atelier pour s’assurer que tout se déroule au mieux. Ces visites sont aussi des moments de création. Voir un objet se construire en taille réelle devant leurs yeux leur inspire parfois de petits changements dont ils nous font part en direct : quelques patines en plus, une couleur à nuancer ou autre.

Quelles matières utilisez-vous ?

Toutes sortes de matières. Des résines, très souvent, mais aussi du métal et du tissu. Depuis quelques temps, nos objets sont fréquemment réalisés en Plastazote, une mousse très pratique pour sa légèreté et sa solidité. On peut aussi utiliser du polystyrène ou de la mousse polyuréthanne. On taille des mousses de différentes densités, on les colle, on les met en volume et on les peint. Pour les objets en série, on peut faire des modèles avec de la terre ou de la Plastiline. Ensuite, pour le moulage, on utilise différentes résines polyuréthannes. Et pour les objets un peu plus gros, ce sera de la résine stratifiée, de la fibre de verre ou de la résine polyester, avec des silicones pour les prises d’empreinte, ou du plâtre. Depuis quelques temps, nous essayons d’utiliser de moins en moins de résines, en privilégiant des produits plus sains. Nous utilisons le latex également pour les objets mous. Le bois reste quant à lui une valeur sûre. Nous réalisons beaucoup de caisses en bois pour les Pumpkins et pour le Jack-in-the-Box de Frontierland. On l’utilise également pour certaines structures, à la place du métal, tant qu’il n’est pas en contact avec l’eau.  C’est un matériau très pratique.

Travaillez-vous seul ou en équipe ?

Pour un petit accessoire ou un objet porté, on travaille souvent seul, sauf s’il y a besoin d’une compétence particulière. Sur un plus gros projet, on travaille à plusieurs, notamment quand il y a des tissus, de la sculpture, ou de la soudure. Prenez les Pumpkins Men. Ils ont d’abord besoin de structures métalliques pour leur donner leur position humaine, que l’on habille ensuite avec des parties sculptées et des vêtements trempés dans la résine. Le bureau d’étude tenait à ce que ce soit de vrais vêtements et que l’on retrouve les teintes originales sous la résine. Or, ces vêtements sont très alourdis par la résine, ce qui rend la manipulation difficile. De plus, il a fallu trouver des techniques pour leur donner une impression de légèreté, de naturel, et faire en sorte que la résine durcisse dans la bonne position. On a donc besoin de 2 voire 3 accessoiristes pour enfiler ces vêtements et les maintenir en place le temps de la catalyse.

Combien de temps peut durer la confection d’un objet ?

Cela va de quelques jours à 2 à 3 semaines pour un petit objet, et jusqu’à 1 ou deux mois pour un gros projet.

Quelles sont les qualités essentielles d’un bon accessoire ?

On travaille beaucoup sur la légèreté. Les techniques que nous utilisons sont très similaires à celles qu’on utilise au théâtre, à la différence que nous devons veiller tout particulièrement à la pérennité, la solidité et la légèreté de nos objets, car les modalités d’utilisation à Disneyland Paris sont très différentes. Ici, les accessoires peuvent être utilisés jusqu’à 5 à 6 fois par jour. Pour vous citer un exemple, jusqu’à l’année dernière, les petites fourches des neveux de Donald étaient réalisées en résine. Cette année, nous avons changé de matière et réussi à diviser le poids par dix, sans toucher à la solidité. Cela signifie encore plus de confort pour nos Personnages et donc encore plus de plaisir à les utiliser !

Comment les éléments de décoration s’intègrent-ils dans un décor ?

Au niveau du Théâtre du Château, il y a des citrouilles de couleurs un peu différentes, avec du vert, du violet du rose, ainsi que des ronces turquoise qui sortent du granit. Nous avons adapté le décor de l’année dernière en travaillant notamment sur les couleurs afin de donner l’impression d’être sous l’eau.

Y a-t-il un objet pour lequel vous avez un attachement particulier ?

J’aime beaucoup le chien Zéro de L’Étrange Noël de Mr Jack, que j’avais réalisé pour un précédent Halloween. Il avait posé quelques difficultés, car il était simplement composé d’un drap. Il fallait qu’il soit le plus fin possible, en donnant une impression de légèreté, parfois même de transparence, mais en même temps très solide. Il a fallu glisser beaucoup de structures métalliques à l’intérieur et réaliser un travail de sculpture très délicat pour son petit nez en forme de citrouille et ses oreilles très fines, que j’ai réalisées en aluminium. Il n’est pas présent sur le Parc Disneyland cette année, mais ce fut un projet particulièrement intéressant pour moi.

Dans quelle mesure les films Disney vous inspirent-ils ?

Suivant les projets, en plus des nombreux dessins du bureau d’étude, je me réfère souvent aux dessins- animés pour voir les personnages ou les objets sous plusieurs angles. Il est parfois difficile d’appréhender certains volumes, et les voir animés, en situation, peut s’avérer très utile.  

Une autre partie de votre métier consiste à assurer le suivi et la réparation des éléments de décoration.

Beaucoup d’éléments sont là depuis plusieurs années et il n’est pas rare que certains soient abîmés suite à une utilisation un peu intense. Il arrive donc qu’il faille remplacer des objets existants, fabriquer des citrouilles à l’identique, refaire une patine, réparer une rayure ou autre. L’une de nos dernières grosses réparations fut un élément qu’on appelle le Zébulon, une sorte de Jack-in-the-box avec une grosse tête de citrouille situé à Frontierland.

L’humidité met aussi les métaux à rude épreuve. Nous avons beaucoup de socles en métal, notamment sous les Pumpkins, et on les protège avec des antirouilles. Mais avec l’usure, ces traitements sont vite attaqués. Il faut alors poncer pour enlever la rouille puis repeindre par-dessus. Durant le Festival Halloween Disney, il n’est pas rare de devoir intervenir sur site, car on ne peut pas traverser une saison de plus d’un mois sans petits soucis. Ces réparations s’effectuent de nuit, ce qui demande une grande flexibilité au point de vue horaire. On commence à faire tout le tour de nos décors et des Points Selfies ; on fait ensuite un bilan et on gère les urgences. On s’occupe d’abord des plus grosses réparations, pour être sûr que tout soit terminé avant l’ouverture du Parc. Puis vient le tour des réparations plus légères, comme remettre des feuilles ou des fleurs.

Comment se passe l’installation des décors que vous avez réalisés ?

Généralement, elle se déroule sur trois grosses semaines, de nuit. Nous sommes 4 ou 5, plus un Team Leader, et nous accompagnons les équipes qui installent les différents éléments, comme les machinistes, nacellistes et cordistes qui mettent en place les Funkins dans Main Street au moyen de nacelles. On réalise aussi des retouches de dernière minute en cas de casse ou de rayure lors des transports et des montages.

Nous travaillons également avec le département Identité Visuelle, qui est en charge des décorations des vitrines, et avec le département Spectacles pour les lumières, notamment dans la partie mexicaine de Frontierland, dédiée à Coco, où il y a beaucoup de lanternes.

Cette année, le Festival Halloween Disney sera particulièrement riche en décors.

En effet, nous n’avons pas lésiné sur les décorations. Il y aura beaucoup plus d’éléments cette année ; ce sera encore plus immersif !

Richard, merci d’avoir partagé avec nous ton métier, qui est aussi une passion.

Nous mettons tout notre cœur dans nos réalisations. Chaque détail compte, même le plus minuscule. On retravaillera un objet tant qu’il ne sera pas parfait. Ce que l’on recherche avant tout, c’est que nos visiteurs soient émerveillés, qu’ils soient heureux. C’est notre moteur et notre récompense.

Kinai
Disney et moi, c’est une longue histoire d’amour. Je suis tombé dedans petit, et je n’en suis jamais ressorti. Du cinéma aux parcs d’attractions, en passant par l’histoire de Walt Disney Company, jusqu’aux BD, tout me passionne.