La Jeunesse de Mickey // Rencontre avec TEBO

 Norbert, l’arrière-petit-neveu de Mickey, est comme tous les gamins de son âge : le nez toujours plongé dans sa console de jeux vidéo. Alors, pour attirer son attention, son arrière-grand-oncle a l’habitude de lui raconter des histoires. Mais pas n’importe lesquelles : celles qu’il a vécues dans sa jeunesse. De palpitantes aventures dans lesquelles il a tour à tour été : cowboy, prisonnier dans le bayou, as de l’aviation de la Première Guerre Mondiale, trafiquant de chocolat pendant la prohibition et même astronaute ! Norbert a un peu de mal à croire à ces récits invraisemblables, d’autant que, comme toutes les personnes âgées, pépé Mickey (comme l’appelle Norbert) a la vue qui baisse et la mémoire un peu comme un gruyère… Tebo, co-créateur de Captain Biceps et probablement l’un des dessinateurs de gags les plus doués de sa génération, imagine dans un dialogue entre pépé Mickey et son arrière-petit-neveu la jeunesse de la plus célèbre des souris. Retrouvez cinq histoires courtes dans lesquelles il revisite le monde de Mickey de son trait moderne et débordant d’idées, et où humour et aventure sont évidemment au rendez-vous !

Tebo est né à Caen en 1972. Il crée dans Tchô!

la série Samson et Néon, dont le premier album est sorti en 1999, Captain Biceps (6 tomes parus) et Comment Dessiner ? avec Zep. Toutes ces séries sont adaptées en séries TV. Tebo a également illustré les livres scientifiques In Caca Veritas, In Pipi Veritas et Je pète donc je suis. En septembre 2010, Comix Buro a publié un sketchbook sur son travail. En 2011, il intègre l’équipe de Spirou pour la série L’Atelier Mastodonte. En 2012, Hélène Bruller lui écrit des textes pour une nouvelle série de livres jeunesse dans la collection Glénat Poche, son nom : Psicopattes (qui va être adaptée en série animée). Tebo est également le scénariste des trois tomes d’Alice au pays des singes, dessinés par Keramidas et publiés chez Glénat. Dernièrement, il a créé la série animée César et Capucine avec le producteur Futurikon pour la chaine France 5. Il réside à Caen. Retrouvez l’univers de l’auteur sur : supertebo.com

Comment a commencé l’aventure ?

Jacques Glénat m’a proposé de reprendre le personnage de Disney que je voulais. Pour moi, Mickey en BD était trop sérieux, pas assez fun. Je lui préférais Fantomiald, la version « super-héros » de Donald. Comme à l’époque, j’avais d’autres projets en cours, je me disais que si je n’arrivais pas à le dessiner de tête et avec mon style, je laisserais tomber l’affaire. Mais après plusieurs essais, mes Donalds étaient tous nuls… Alors, pour m’amuser, j’ai essayé de croquer un Mickey, et il m’a carrément plu ! C’est devenu très naturel pour moi de le dessiner, j’ai commencé à en faire plein sur mes carnets. Puis je me suis souvenu que j’étais surtout fan du Mickey des dessins animés des années 1930 comme Le Brave petit tailleur, en particulier les tous premiers noir et blanc avec Steamboat Willy, où Mickey n’est pas que gentil : il grogne, il se bagarre… Il n’en a pas fallu plus pour que je me décide à faire un album sur lui !

Pourquoi avez-vous décidé de découper votre récit en plusieurs histoires courtes ?

Avec ce format, on va directement dans le cœur du sujet qui nous intéresse… et j’avais plusieurs sujets en tête ! Pour moi, Mickey représente l’Amérique, donc je voulais lui faire vivre des aventures pendant les grandes dates de ce pays (la Ruée vers l’or, la Course aux étoiles…) et je voulais aussi absolument parler de périodes que l’on ne voit pas trop chez Disney : la Première Guerre Mondiale, la prohibition et l’esclavage.

Mais dans le même temps, je ne voulais pas faire un livre historique où le propos soit trop sombre (après tout, ce que j’aime, c’est écrire des histoires drôles !). Alors, pour la Première Guerre Mondiale, Mickey est pacifiste et combat ses ennemis avec des bombes à la farine. Pour l’esclavage, ce sont les chats qui exploitent les souris. Et pour la prohibition, j’ai remplacé l’alcool par du chocolat (le président se brule avec du chocolat bouillant et, comme tout le monde se moque de lui, il l’interdit dans tout le pays).

D’où vous est venue l’idée d’articuler ces histoires autour d’un dialogue entre un Mickey âgé et son arrière- petit-neveu ?

En tant qu’auteur, j’adore les histoires courtes, mais en tant que lecteur, je suis toujours un peu frustré. Il fallait que je trouve un fil rouge, un lien entre chaque chapitre.

L’idée de mettre en scène Mickey qui raconte ses exploits m’est venue très rapidement. Et pour que ce soit un peu plus original, je l’ai fait vieux. Je l’ai appelé « pépé Mickey » et je lui ai collé un arrièrepetit-neveu du nom de Norbert. Ensemble, ils ont le même type de relation que moi avec ma grand-mère qui me racontait des anecdotes sur sa jeunesse : elle était née en 1909, donc elle en avait pas mal en réserve… Mes histoires étaient bourrées d’action. En faisant intervenir Pépé Mickey et Norbert, je pouvais ralentir le rythme avec des dialogues rigolos. Norbert n’écoute pas sagement son arrière grand oncle, il intervient et met en doute sa parole (un peu comme moi avec ma grand-mère). Petit à petit, de spectateur, Norbert devient acteur et commence lui-aussi à vivre des mini-aventures. L’épilogue conclut d’ailleurs bien cet état d’esprit. Grâce à cette relation, les cinq petites histoires en forment une grande !

Graphiquement, comment vous êtes-vous approprié ces personnages connus de tous ?

Mickey a la même morphologie que Samson et Néon, les héros de ma première série. C’est beaucoup plus simple pour moi de faire des petits personnages comme ça que Captain Biceps par exemple (avec sa petite tête et ses gros poings, c’est ultra pénible pour le mettre en scène dans une case !)

Je pensais donc avoir maitrisé Mickey dès le premier dessin… Quelle erreur ! Plus je le dessinais, moins il me plaisait. Je devenais fou ! J’ai dû dessiner des centaines de Mickeys dans toutes les positions et avec une multitude d’expressions pendant deux mois avant de commencer ma première planche.

Avez-vous changé vos habitudes de dessin pour cet album ?

Je travaillais depuis plus de vingt ans avec la même marque de papier, la même plume et le même format. Je venais de finir d’écrire mon album quand j’ai croisé Régis Loisel. Il m’a montré les crayonnés des premiers strips de son Mickey. Il était un peu perdu car il ne savait pas encore avec quel outil, quel papier et quel format il allait travailler. Avec Keramidas, on s’est bien foutu de sa tronche (dans son dos) ! Mais quelques semaines plus tard, mon papier, ma plume et mon format ne me convenaient plus… J’ai failli entrer en dépression à cause de Régis !

Dans chaque épisode, on retrouve une magnifique double-page, bourrée de détails. Un petit plaisir perso ?

On nous a laissés carte blanche sur le format et le nombre de pages.

Je me suis rappelé que quand je faisais le scénario et le story-board d’Alice au pays des singes pour Keramidas, j’avais mis plein de grandes cases pour qu’il puisse s’éclater. J’en étais jaloux… En fait j’aurais adoré dessiner cette série juste pour ces grandes scènes !

Donc, avant même d’écrire la moindre ligne sur Mickey, je savais qu’il allait y avoir des grandes illustrations sur des double-pages. J’ai écrit la première histoire (où il est cowboy) juste pour pouvoir dessiner celle du train qui tombe d’une falaise ! C’est l’une des raisons pour lesquelles j’adore dessiner mes propres scénarios.

Avez-vous pu jeter un œil sur les albums des autres auteurs de la collection pendant que vous travailliez sur le vôtre ? Si oui, cela a-t-il eu une influence ?

En fait, j’ai dû commencer en même temps que Cosey et bien avant Keramidas et Loisel, donc je n’ai pas été influencé. Mais comme on était tous sur le même projet, on s’échangeait de temps en temps des mails avec des bouts de pages ou des crayonnés, ce qui était assez motivant. Ça m’a rappelé l’époque de Tchô! où on se contactait pour se remonter le moral.

Comment avez-vous fait cohabiter votre univers d’auteur avec le monde « calibré » de Mickey ? Cette contrainte a-t-elle été un frein ou, au contraire, une motivation ?

J’avais un peu revu mes classiques pour savoir où j’allais avec Mickey. Dès que j’ai créé pépé Mickey et Norbert, dans mon esprit, les personnages n’appartenaient plus à Disney mais à moi. 

Kinai

Disney et moi, c’est une longue histoire d’amour. Je suis tombé dedans petit, et je n’en suis jamais ressorti. Du cinéma aux parcs d’attractions, en passant par l’histoire de Walt Disney Company, jusqu’aux BD, tout me passionne.

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