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L’étrange Noël de Monsieur Jack: une perle du stop-motion

Résumé

L’Étrange Noël de Monsieur Jack raconte l’histoire de Jack Skellington, roi de la ville d’Halloween, qui orchestre annuellement la nuit la plus effrayante de l’année. Mais après de nombreux Halloween tous plus réussis les uns que les autres, Jack vient à souffrir d’un grave épuisement artistique, si bien que lorsqu’il tombe accidentellement sur la ville de Noël, il décide de changer ses habitudes et de s’essayer à cette fête.

À l’instar d’un vrai conte de Noël, L’Étrange Noël de Monsieur Jack est dévoilé au public en 1993, près de deux décennies après que Tim Burton eut pensé pour la première fois aux (més-)aventures de Jack Skellington et espéré le voir transparaître de son imagination sur le petit écran. Vingt ans après sa sortie, ce chef-d’œuvre du genre stop-motion, à l’ambiance si particulière, continue de réjouir petits et grands à l’approche d’Halloween et de Noël (si ce n’est toute l’année pour les nombreux fans du film). 

Jack et Sally

Les origines

Afin de mieux comprendre les origines du film, attardons-nous tout d’abord sur l’enfance de Tim Burton.  Ayant grandi sous le soleil brûlant de la Californie, le créateur de la Ville d’Halloween n’est pas marqué par un changement de climat aussi drastique que dans nos contrées, où froid et pluie sont souvent synonymes de l’arrivée de l’automne. À défaut de ressentir ces changements, le petit Tim peut remarquer la progression de l’année grâce aux décorations qui évoluent selon les périodes. Les magasins, désireux de profiter au maximum des deux saisons les plus lucratives de l’année, n’ont cessé d’enchaîner les promotions en tout genre afin de s’assurer que l’esprit de ces traditions reste bien présent. Ces deux fêtes s’enchaînant et coexistant dès lors dans les magasins, Tim Burton se met à penser quelques années plus tard à une histoire dans laquelle le roi de la ville d’Halloween l’emporterait sur sa principale concurrente : la bien-aimée ville de Noël. 

Cela donne lieu, au début des années 80, à la rédaction d’un poème intitulé « The Nightmare before Christmas » (cf. http://www.tim-burton.net/1982/01/nightmare-before-christmas-le-poeme-original/), alors que Tim travaille à l’époque en tant qu’animateur aux studios Walt Disney sur des films comme Rox et Rocky (1981) et Taram et le Chaudron Magique (1985), ainsi que sur ses propres projets comme Vincent (1982) et Frankenweenie (1984). Parodie du poème de Clement Clarke Moore (1823), Burton raconte à travers son conte de trois pages la découverte de la ville de Noël et du Père Noël par Jack Skellington, accompagné de son fidèle chien fantôme Zéro. Espérant que son histoire puisse être projetée chaque année à la télévision à la période des fêtes, il la présente aux studios de télévision et aux éditeurs de livres mais personne ne s’y intéresse avant que Tim ne reconduise son projet sous la forme d’un long métrage. 

Les débuts du film

Après une quinzaine d’années d’attente, les studios Walt Disney débutent la réalisation de ce nouveau projet avec Henry Selick à la réalisation (James et la Pêche Géante et Coraline), Tim Burton étant alors occupé par Batman Returns (1992) et Ed Wood (1995). Créateur, producteur et écrivain, Burton s’associe au compositeur, Danny Elfman pour rédiger un scénario approximatif, ainsi que les deux tiers des chansons du film où Elfman prête sa voix à Jack. Une fois les chansons terminées, l’animation stop-motion demandant beaucoup de temps, Selick embauche treize animateurs et une centaine de fabricants d’accessoires, de monteurs de décors et de cameramen afin de commencer le tournage de la première chanson de Jack intitulée What’s This ? en juillet 1991.  

La réalisation

La prise de vue de vingt-quatre images par seconde implique que les animateurs doivent créer des mouvements uniques pour plus de 100.000 images, une minute de tournage prenant environ une semaine à tourner, nécessitant trois années pour réaliser le film en entier.  Les cinéastes créent pas moins de 227 marionnettes pour représenter les personnages du film, Jack Skellington disposant à lui seul d’environ 400 visages, permettant l’expression d’un large éventail d’émotions. 

Henry Selick et Tim Burton

Selick décrit la conception de la production similaire à un livre pop-up et souligne l’expressionnisme allemand, notamment dans l’élaboration du décor de la ville d’Halloween. Celui-ci ne se veut pas réaliste (on pense par exemple à la falaise qui se recroqueville sur elle-même ou au nombreux dessins dentelés et tranchants), l’accent étant surtout mis sur la création d’une ambiance très sombre. L’influence de l’expressionnisme allemand se retrouve également dans le jeu des acteurs, très stylisé, comme le sont la plupart des films muets allemands de l’époque. Les mouvements sont délibérément « dansants » et les personnages sont conçus comme une extension naturelle des décors. Jack Skellington illustre très bien ce choix artistique avec son incroyable maigreur et ses longs appendices, exagérant chacun de ses mouvements. L’imagination de Burton, mélange d’excentricité aux notes macabres, épouse parfaitement le travail de Selick pour donner lieu à un film d’animation amusant et engageant.

Jack Skelington pendant sa chanson

La réception

Malgré la réputation de Burton (comptant alors à son actif quatre succès d’affilée ayant rapporté plus de 400 millions de dollars américains au box-office), les studios Walt Disney décident que la nature sombre et étrange du film est trop hors-marque et décident de distribuer celui-ci sous leur bannière Touchstone Pictures, davantage destiné à un public adulte. Après avoir récolté plus de 170 millions de dollars, devenant alors le film d’animation en stop-motion le plus rentable de son temps, il finit par être placé sous la bannière Disney en 2006 grâce aux rééditions annuelles en 3D.

Difficile de croire que les studios Walt Disney ont douté du projet quand on s’intéresse aux nombreuses éloges reçues par la critique. Le film est en effet nominé pour l’Oscar du meilleur effet visuel et pour le Prix Hugo de la meilleure présentation dramatique. L’Étrange Noël de Monsieur Jack remporte le Saturn Award du meilleur film fantastique, tandis qu’Elfman gagne le prix de la meilleure musique et est nominé pour le Golden Globe Award de la meilleure musique originale. Enfin, l’American Film Institute nomine le film dans sa liste des 10 meilleurs films d’animation.

Vu le succès de cette production, les studios Walt Disney commencent à envisager en 2001 la production d’une suite en recourant à l’animation par ordinateur plutôt qu’à l’animation en stop-motion. Burton finit par convaincre Disney de renoncer à cette idée, souhaitant par-dessus tout conserver la pureté de son œuvre. Les extensions de l’univers du film sont alors uniquement envisagées sous la forme de jeux vidéos et de clins d’œil dans les parcs Disneyland de Californie et de Tokyo à la période d’Halloween dans l’attraction « Haunted Mansion », dès lors habitée par les personnages du film.

L’attraction « Haunted Mansion » de Californie, à Halloween

Par ailleurs, aviez-vous remarqué le Mickey caché dans le film ? Dans la scène où les cadeaux de Noël de Jack attaquent les enfants, la peluche au sourire carnassier est censé être la version Burton de Mickey Mouse. De plus, la petite fille de cette scène porte une chemise de nuit à imprimé Mickey, tandis que le pyjama de son frère est couvert de Donald Duck.

Le Mickey et le Donald cachés

L’interprétation

Si Tim est parvenu à cesser le débat quant à une suite, il y en a qui revient chaque année : L’Étrange Noël de Monsieur Jack est-il un « film de Noël », mettant en scène des personnages d’Halloween, ou est-ce un « film d’Halloween », impliquant Noël dans l’intrigue ? 

Ce film est unique en ce sens qu’il s’agit de l’histoire de deux fêtes et que l’on ne peut retirer ni l’une ni l’autre de l’équation. Si vous supprimez Halloween, vous n’avez pas de protagonistes. Si vous supprimez Noël, vous n’avez pas d’intrigue. 

Au cours du film, le héros apprend la vraie signification de l’esprit de Noël, mais il réapprend aussi l’importance d’Halloween. Dans la ville d’Halloween, Noël est une fantaisie passagère, une idée amusante qui n’a pas fonctionné et qui ne sera probablement plus jamais tentée. Le but de Noël était de faire comprendre à tous les protagonistes du film qu’ils n’avaient pas besoin de cette fête pour être heureux, mais qu’ils devaient rester fidèles à eux-mêmes, fidèles à Halloween. Noël est dès lors un moment de rassemblement dans le film et permet également le dépassement par Jack de ses obsessions artistiques égoïstes. Noël fait de lui une meilleure personne.

Jack découvrant la ville de Noël

Pour conclure, soulignons l’unicité de ce premier long métrage d’animation en stop-motion, où cette technique particulière est utilisée dans toute son ampleur et ouvre la voie à d’autres projets de longs métrages similaires dans l’industrie cinématographique. Même si le film ne dure que 76 minutes, il regorge de prouesses techniques sur le plan visuel et de chansons devenues cultes. Encore aujourd’hui, l’héritage de L’Étrange Noël de Monsieur Jack se perpétue grâce à une communauté de fans croissante et toujours enchantée de ce classique de 1993.

Marie

Passionnée par l’écriture et l’univers des contes au point d’en faire mon sujet de mémoire, la magie de Disney a effleuré mon berceau pour ne plus jamais me quitter. De la féerie des princesses à la plus rocambolesque des aventures, c’est de cette pincée de rêverie que s’est imprégnée ma plume. Aujourd’hui, entourée d’une équipe de Disneyens chevronnés, je suis heureuse et honorée de prolonger la magie au quotidien.

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