La crise sanitaire est l’occasion pour Disney de sortir ses films en Prémium Access sur sa nouvelle plateforme de streaming. Après Mulan, Soul voici que c’est au tour de Raya et le dernier des dragons de se voir priver de sortie cinéma. Le film doit arriver prochainement sur Disney+. Est-ce une bonne chose? Est-ce une mauvaise chose? Nos chroniqueurs se posent la question.
Deux rédacteurs, deux avis : Make your choice !
Absolument ! Par Nimmerland
Disney a-t-il bien fait de sortir Raya sur Disney+ et pas (seulement) dans les cinémas ?
Le film d’animation “Raya et le dernier dragon” (2021) est disponible sur Disney+ depuis début mars 2021 ( au Royaume-Uni) – du moins si vous vous permettez d’acheter un accès VIP en plus de votre abonnement normal. Dans le cas contraire, vous devrez attendre jusqu’en juin pour regarder Raya avec un abonnement standard. Nous ne voulons pas discuter ici de la question de savoir s’il est acceptable ou non de payer plus cher pour un film “spécial”. Il y a certainement de bons arguments pour les deux côtés.
Mais Disney a-t-il vraiment fait le bon choix en sortant le film sur Disney+ et pas seulement en salles, comme ils l’ont déjà fait avec “Mulan” ?
Dans une année normale, un blockbuster de Disney comme “Raya et le dernier dragon” aurait certainement atteint facilement la première place du classement des cinémas lors du week-end d’ouverture. C’est également le cas pour l’année Corona 2021, mais avec des chiffres complètement différents en termes de recettes. Alors qu’auparavant, un tel film aurait dû rapporter au moins 100 à 150 millions de dollars le premier week-end, cette année, “Raya” n’a rapporté que 8,5 millions de dollars au box-office américain. Et ce, uniquement parce que les cinémas de nombreuses métropoles, dont New York, Chicago et San Francisco, ont rouvert leurs portes.
En plus des 8,5 millions de dollars que “Raya et le dernier dragon” a rapporté lors de sa sortie dans les cinémas américains, le dernier film d’animation de Disney a atteint 17,6 millions de dollars en dehors de l’Amérique du Nord.
Le territoire, où “Raya et le dernier dragon” a connu le plus de succès en dehors de l’Amérique du Nord, est la Chine; il a rapporté 8,4 millions de dollars au moment de sa sortie, soit environ 50 % de plus que le résultat d’ouverture de “Soul”, qui est devenu entre-temps le deuxième film Pixar de tous les temps en Chine avec un chiffre d’affaires de 57,6 millions de dollars.
Un résultat mondial plutôt mitigé, qui s’explique par un certain nombre de raisons. D’une part, les cinémas sont encore fermés dans les quatre plus importants marchés européens : Grande-Bretagne, France, Allemagne et Italie. D’autre part, les grandes chaînes de cinéma latino-américaines Cinépolis et Cinemark ne diffusent pas le film.
C’est peut-être la raison pour laquelle Raya a déjà été lancé sur Disney+. Mais cela en valait-il la peine (à titre de comparaison, le coût de production était déjà de 100 millions de dollars) ? Le film a reçu 20 % d’achats en moins sur Disney Plus aux États-Unis pendant son week-end d’ouverture (du 5 au 7 mars) que le film en direct “Mulan” pendant son premier week-end.
Cependant, en ces années Corona, il est difficile de prévoir quand une fréquentation régulière des cinémas sera à nouveau possible. Certains cinémas sont fermés depuis plus d’un an et, à l’heure actuelle. Il est presque impossible d’estimer quand une visite régulière sera à nouveau possible, et si un bien meilleur résultat aurait vraiment pu être atteint.
Lors de la présentation de Star ( qui est disponible sur Disney Plus depuis fin février), l’entreprise a annoncé que, selon les pays, elle ne se contentera pas de proposer de nouveaux contenus dans son propre service de streaming vidéo, mais qu’elle sortira également des DVD et des Blu-ray et qu’elle mettra certains films au cinéma. Toutefois,Disney fait dépendre ça du comportement des téléspectateurs dans le pays concerné. Disney garde donc toutes les options possibles ouvertes. Pour certains films Disney, l’accès VIP n’est pas nécessaire. Par exemple, Artemis Fowl, The One and Only Ivan et Soul sont directement disponibles pour tous les abonnés de Disney Plus, sans frais supplémentaires.
Le PDG de Disney, Bob Chapek, a laissé entendre en novembre que “Mulan” avait eu des résultats suffisamment bons pour que l’on utilise “Premier Access” sur d’autres titres, en déclarant “nous avons eu des résultats positifs dans la stratégie Premier Access”.
On peut voir que Disney expérimente la manière la plus lucrative de publier de nouveaux films sur de nouveaux et d’anciens supports. Malgré toutes les expérimentations de la société, il y aura toujours une part de pari, et ces années “covid” peuvent donc être un bon moment pour tester les conditions dans lesquelles le streaming de films sur Disney+ a du sens et celles dans lesquelles il n’en a pas. Bien sûr, Disney a certainement tablé sur des objectifs de rentabilité complètement différents. Mais dans la situation actuelle, il est probablement préférable d’utiliser un film comme Raya à titre expérimental sur de nouveaux médias comme Disney+, plutôt que de faire encore moins de recettes parce que les cinémas font passer le film au second plan.
Disney paye son expérimentation ici, mais la société pourra en tirer de nombreux résultats positifs pour l’avenir.
Le cinéma – malgré toute la technologie du home cinéma – ne peut pas être remplacé si facilement. Et soyons honnêtes : plonger dans un autre monde est quelque chose de très spécial que l’on peut toujours vivre au cinéma. Et personne ne peut faire du pop-corn aussi bien, sauf peut-être le camion à pop-corn de Main Street ;).
Absolument contre! Par Sandra
Je me souviens, lorsque j’étais lycéenne, on nous enseignait qu’on écrivait dans le but d’être lu et, de la même manière, que les pièces de théâtre étaient écrites dans l’idée d’être jouées devant un public. Ainsi, la manière d’écrire était forcément orientée d’une certaine façon.
C’est un peu ce que je ressens pour le cinéma. Les scénarios, les films, sont pensés pour être projetés et visionnés par un grand nombre de personnes. Et quoi qu’on en pense, l’impact d’un film n’est pas le même qu’on soit sur sa télévision -si grande soit-elle- ou au cinéma. J’ose imaginer que ces films à grand budget, dont les images sont d’une beauté à couper le souffle avec sans cesse davantage de technologie, dans lesquels les scènes d’action sont percutantes, palpitantes, exaltantes, sont pensés pour être diffusés dans nos salles obscures.
Du coup, les sorties sur D+ ou autre plateforme au détriment d’une exclusivité du cinéma me paraissent passer à côté de ce qu’est l’univers cinématographique.
Par ailleurs, chez nous, aller au cinéma, c’est aussi un peu une façon de faire une sortie. A deux ou en famille. C’est différent. On prend du popcorn, on regarde les pubs …
C’est un moment de loisir familial, qu’on peut partager tous ensemble malgré la potentielle différence d’âge des membres qui la composent (et ça marche aussi entre amis, évidemment !)
Et j’imagine combien cette sortie aura une saveur bien spécifique lorsque les cinémas ouvriront à nouveau après de nombreux mois de fermeture !
Tous les films ne sont pas à mettre sur le même plan et certains ne souffriront pas de ces diffusions en VOD, sur les plateformes. Mais un Disney … un Disney, non ! C’est un évènement, une sortie attendue, un petit bijou qui se doit d’être mis à l’honneur sur nos grands écrans. Quitte à patienter plus longtemps.
Enfin, les sorties exclusives sur plateformes sont vouées à des cafouillages en tout genre … Eh oui ! Les lois qui régissent la France ne sont pas les mêmes qu’ailleurs et, en vertu de la chronologie des médias, une sortie sur D+ en juin pour la quasi-totalité du monde entier nous aurait fait patienter, dans l’héxagone, jusqu’en 2024 ! Quid de la question du piratage dans ce cas … Finalement, dans le cas de Raya, de multiples dates de sortie ont été proposées ainsi qu’un débat sur la gratuité de l’accès, créant la confusion …. Et ce film, qui aurait du créer l’évènement aura perdu toute sa superbe dans cet imbroglio d’indécision. C’est vraiment dommage …
Nous sommes bien conscients que la crise sanitaire change la donne, dans pas mal de domaines. Qu’il faut se réinventer, réfléchir autrement. Mais quel dommage, quand même, de sacrifier l’industrie du cinéma …
En resumé :
- Les films sont faits pour être découverts sur grand écran
- Aller au cinéma reste une sortie, un loisir
- L’incapacité de décider de façon claire et précise sur la façon dont sortir les films sur plateforme ne valorise pas les films